C’est le hasard du calendrier qui l’a voulu : la nomination de Christian Streiff à la tête du groupe PSA s’est produite en concomitance avec le départ à la retraite de Claude Satinet, directeur sortant d’Automobiles Citroën. Du coup, l’arrivée de l’un a comme mis un voile médiatique sur le départ de l’autre. Dommage et même injuste pour M. Satinet qui s’est retiré de la firme aux chevrons après plus de trois décennies de bons et loyaux services !
En effet, c’est en 1973 que ce lauréat de l’Ecole Polytechnique et Ingénieur des Télécommunications intégra Automobiles Citroën, a été affecté au service informatique. A l’époque, la marque aux chevrons, encore propriété du groupe Michelin, traverse une mauvaise passe : difficultés financières, modèles trop originaux (Ami 6, coupé SM) ou déjà vieux (2 CV, DS, GS), problèmes de fiabilité mécaniques liés à des choix techniques assez complexe (suspension hydraulique)… L’année suivante -et c’était inéluctable-, c’est la banqueroute pour Citroën et le géant du pneumatique installé à Clermont-Ferrand jette l’éponge. Michelin, propriétaire de la marque depuis 1935 ne peut plus suivre et met en vente les deux chevrons. En 1976, Peugeot SA manifeste son intérêt et concrétise sa fusion avec Citroën SA. Il s’agit en réalité d’une absorption de la seconde par la première. Commence alors une nouvelle page pour cette marque qui était en quelque sorte en perte d’identité. Les productions cinématographiques de l’époque et notamment la série du « Gendarme » qu’est Louis de Funès, met à l’écran des 2 CV, des Méhari et des DS qui collent bien au côté burlesque des scenarii. Et Claude Satinet dans tout cela ? Avant d’être un boss et d’avoir une équipe sous sa houlette, Claude va passer par toutes les étapes. D’abord, les finances. En 1979, il est « Responsable des coûts industriels et de la gestion des usines », et devient deux ans plus tard, « Responsable du contrôle financier de Citroën et de ses filiales ». L’homme fait ses preuves et gravit dans la hiérarchie, puisqu’en 1984, il devient « Chargé à la Direction générale d’automobiles Citroën d’améliorer les relations entre le commerce et la fabrication » et plus particulièrement en ce qui concerne les prévisions. Citroën est alors en plein lancement de la BX. Une berline familiale au look dynamique et au confort alors inégalé. Grâce à elle, Citroën se redresse d’un cran et l’arrivée de Jacques Calvet à sa tête confortera cette donne. Ce dernier mise sur les cadres qui ont du potentiel. Parmi eux, Claude Satinet est promu Directeur général de Citroën Espagne, l’un des marchés de prédilection pour le double chevron. Cela se passe en 1986, l’année même où la petite AX est lancée. Celle-ci, remplaçante de la Visa, marque le début de l’ère de la qualité chez Citroën. Elle sera l’un des modèles les plus exportés par le constructeur qui dispose d’une usine en Espagne (à Vigo). Et justement, en 1990, soit après y avoir passé quatre ans, Satinet passe « Directeur de l’Exportation Europe ». Rappelé au siège à Paris, il restera au sein de la direction générale où il changera de division, devenant (dès 1992) « Directeur Commerce Europe ».
Toujours probant, le travail de Satinet sera une fois de plus reconnu et lui permet dès juillet 1994, de devenir à la fois Directeur général adjoint et Directeur commercial d’Automobiles Citroën. En 1998, il occupe la fonction suprême. Directeur général d’Automobiles Citroën, il a alors plus de marge de manœuvre sur les orientations stratégiques de la marque. Avec son équipe, Claude Satinet va bouleverser les chevrons et, en tout cas, les révolutionner pour ce qui est du design. Et c’est d’abord la Xsara qui ouvre le bal de cette nouvelle identité visuelle et marque une certaine rupture avec le style passe-partout des Saxo et Xantia. Viennent ensuite la C3 et surtout la C4. C’est un coup de pied dans la fourmilière qui est donné à Citroën. La marque ne joue plus en bas du tableau et fait valoir ses modèles au même rang que ses deux concurrents tricolores. On ne brade plus chez Citroën ! De même, les exploits sportifs d’un certain Sébastien Loeb (double champion du monde en WRC) permettent de reconquérir une clientèle (et une image) jeune. Sur le plan produit, la gamme déjà diversifiée s’attaque à des créneaux porteurs (Xsara Picasso pour ce qui est des monospaces) ou d’image (C3 Pluriel pour ce qui est des cabriolets). En 2005, il donne le feu vert pour l’un des projets les plus ambitieux de la marque : la C6. Là encore, c’est un chef-d’œuvre stylistique que présentent les designers de chez Citroën. Un an plus tard, et plus précisément en 2006, Satinet présente l’offensive de Citroën au Mondial de Paris. Les stars s’appellent notamment C4 Picasso et C-Métisse. Ce dernier, l’un des plus beaux concept-cars dans l’Histoire, rafle une série de récompenses. Claude Satinet est encore là pour recevoir les trophées, mais pas pour longtemps. En février, l’âge de la retraite atteint, il doit céder ses fonctions à Gilles Miche, un polytechnicien de 51 ans désigné par le nouveau patron de PSA, Christian Streiff.
Aujourd’hui, Citroën est plus qu’une marque reconstruite. Elle a redoré son blason et –en grande partie grâce à lui-, sa gamme est l’une des plus attractives actuellement.
Aussi peu médiatisée qu’elle ne l’a été, la carrière de cet homme est pourtant un parcours assez brillant et toute une tranche de vie passée chez Citroën. Reste une seule question (sans réponse) qu’on soulignera autant qu’on regrettera : pourquoi la marque n’a diffusé aucun communiqué de presse sur le « règne » de Claude Satinet, ses faits marquants et ses grandes réalisations ? Curieux…